Le traité de Verdun en 843, entérine le partage de l'ancien empire carolingien entre les trois fils de Louis le Pieux. Le pouvoir royal central, affaibli, n'existe plus.
Pendant un à deux siècle, un nouvel ordre féodal transitoire formé de liens de vassalité entrecroisés, renforcés par des liens matrimoniaux. Entre seigneurs de rang différent mais se considérant comme moralement égaux, un contrat écrit définit les obligations de vassalité respectives - garanties réciproques de paix et d'alliances militaires mais aussi de services, de protection et de redevances.
Au sein de ce nouveau système les vassaux s'octroient progressivement un titre seigneurial, des droits de justice et d'impôts ainsi que la transmission héréditaire des fiefs et des charges qui leur sont confiées, jusqu'à en devenir réellement propriétaire.
Mais, en l'absence de tout pouvoir central, les plus téméraires ou les plus habiles agrandissent considérablement leurs possessions. (→ note) Ainsi vers l'an 900, Aimar, seigneur de Deneuvre en Aquitaine avait confisqué le pouvoir local, s'était érigé en seigneur de Bourbon en Auvergne, avait offert à Cluny la fondation de l'abbaye de Souvigny. Ses descendants annexent progressivement leurs voisins (Châtel-Montagne en 1226) et créent le Bourbonnais.
"Gravure du monastère de Cluny III"
Depuis le 6e siècle la règle bénédictine est progressivement adoptée par tous les monastères. L'élan de renouveau spirituel de ces siècles est cause de leur développement parfois jusqu'à former des structures importantes en réseaux à travers toute l'Europe. Le monde spirituel et le monde matériel à ces époques ne font qu'un, sans la distinction/séparation qui se fera à partir de la "Renaissance" puis dans notre univers laïcisé.
Au haut moyen age, les classes seigneuriales et religieuses étaient étroitement intriquées, le roi interfère dans la nomination des évêques, voir impose des membres de familles puissantes de son entourage.
"Gravure du couvent et du bourg de Marcigny"
Les fils aînés héritent de la totalité des terres - qui ne doivent pas être morcelées - et de la puissance armée, les cadets deviennent hommes d'église : la noblesse fortunée avait seule les moyens financiers pour instruire leurs enfants et leur fournir une dot suffisante pour devenir moine dans un monastère. Si l'importance de la famille le permet ils deviendront prieurs ou abbé, ce qui leur assurera la puissance temporelle liée aux possessions du monastère, et surtout spirituelle liée à l'arme suprême de l'excommunication.
Á côté de la dot apportée au monastère, certains religieux conservaient des biens ou des seigneuries d'autres fiefs qui restaient ainsi dans leur famille. Certains religieux n'hésiteront pas à agir en tant que force temporelle et à utiliser leur troupe armée pour défendre les biens du monastère mais également pour percevoir les redevances. (→ note) Les monastères recevaient également de nombreuses donations en domaines et en revenus. Il y avait une habitude ancienne dans les monastères de confier 1'administration du temporel aux moines apparentés aux donateurs de ces terres. Par ailleurs, de nombreux monastères avaient été fondés aux siècles précédents par des seigneurs, dont les descendant conservaient des droits dans la gestion des biens ou dans l'élection de l'abbé, voir le droit de devenir "abbé laïque". Tout concourt pour former de puissants "clans familiaux" seigneuro-religieux.
Les travaux manuels ou domestiques indispensables pour le fonctionnement du monastère sont assurés par de nombreux moines convers, issus de familles non fortunées et sans droit de vote au chapitre, ou par des serviteurs laïques rémunérés.
"Monastère de Cluny III"
Mais les fils cadets n'était pas seuls à entrer dans les ordres. L'espérance de vie était très courte dépassant rarement la trentaine. De nombreux nobles "âgés" (35 ans !) quittaient le monde, soit pour suivre leur vocation spirituelle, soit pour trouver la paix ou la sécurité temporelle au sein du monastère.
Ainsi s'était formée une classe de moines instruits qui, fournit la hiérarchie et les gestionnaires de l'église et des monastères mais également d'indispensables scribes et conseillers aux familles seigneuriales - en règle illettrées - dont elles sont issues. Sans oublier son rôle essentiel dans l'instruction du clergé séculier, la bienfaisance, etc.
Ainsi 17 nobles de la famille des Centarben quittent le monde pour entrer dans le monastère de Cluny ou ses dépendance, en particulier le couvent de Marcilly créé par l'abbé Hugue de Semur pour accueillir femme et filles des seigneurs entrant à Cluny.
De même que les seigneurs modifient leur relation à l'autorité seigneuriale au-dessus d'eux, les monastères s'affranchissent de l'autorité temporelle qui prétendaient les chapeauter. (→ note) D'importantes frictions concernant les dîmes et la justice pouvaient encore persister entre un monastère et les descendant du fondateur, les gens d'église ne pouvant appliquer la justice de sang devaient demander l'aide de la justice seigneuriale. Petit à petit tous les monastères se retrouvent sous le seul contrôle - normal, canonique - de leur évêque.
Les grands ordres monastiques, pour s'assurer une indépendance plus grande en rapport avec leur puissance et échapper à l'autorité de leur évêque, cherchent à ne relever que de la seule autorité papale.